Appel à contribution – Ateliers, circulations et pratiques picturales dans la peinture murale médiévale (Ve-XVe siècle)

23 et 24 avril 2026, INHA

Le concept d’ « atelier », utilisé autant en histoire de l’art qu’en archéologie, est au cœur de toutes les réflexions ces dernières décennies. Au-delà des considérations sémantiques sur le terme et ses significations, la réflexion porte essentiellement les critères d’identification d’un atelier, à l’image de ce que les épigraphistes de l’ERC Stone-Masters s’attachent à faire pour reconnaitre les ateliers de tailleurs de pierre de l’Antiquité tardive[1]. En archéologie, l’habitude est prise de dresser des grilles typologiques afin de déterminer l’atelier de production et la provenance d’objets dont la réalisation implique l’usage d’une matrice ou d’un moule réutilisable, comme les stucs[2] En histoire de l’art, ce sont presqu’exclusivement les conventions formelles ou spécificités techniques qui priment pour déterminer le rattachement de plusieurs œuvres au travail d’un même atelier ou d’un même maître. Les limites et les avantages du recours au concept d’atelier pour comprendre la production artistique médiévale ont toutefois été soulignées en 2014 dans le numéro de la revue Perspectives consacré à l’atelier et à son usage en histoire de l’art, toutes périodes confondues[3].

En dépit d’une prise en compte des divers arts ou techniques de production, peu de questionnements portent sur la peinture murale. Pourtant, cette technique artistique présente la spécificité d’être nécessairement réalisée sur site, sur le chantier. Elle ne résulte pas d’un travail en atelier comme cela s’entend pour la sculpture, l’enluminure, l’orfèvrerie ou le vitrail. L’atelier ne pouvant être le lieu de fabrication, le terme lorsqu’il est employé renvoie automatiquement à une organisation type du travail sur le chantier, à une équipe organisée et hiérarchisée, indissociable dans l’historiographie de l’emploi du terme « Maître » auquel on attribue tel ou tel ensemble peint d’après des critères presqu’exclusivement formels.

L’atelier n’étant pas le lieu physique de réalisation, il peut très facilement se déplacer. Le recours à ce concept a donc une incidence sur la compréhension des circulations du peintre, des formes, des modèles ou des matériaux. Ainsi les similitudes formelles observées entre ensembles peints, parfois lointains, réalisés lors de la période dite romane (XIe-XIIe siècles) ont parfois été expliqués par l’itinérance des peintres ou des ateliers, notamment le long des routes de pèlerinage[4]. Ces circulations mériteraient toutefois d’être reconsidérées à la lumière des concepts de transferts culturels et d’échanges artistiques, sollicités pour éclairer les échanges entre Orient et Occident, mais rarement convoqués entre zones géographiques plus proches. Une meilleure prise en compte de l’organisation socio-économique du travail et des réseaux ecclésiastiques favorisant ces circulations à une échelle locale apporterait également un éclairage certain sur les circonstances et la réalité de ces circulations et ainsi que sur les modalités de transmission des savoirs[5].

En effet, la peinture monumentale est indissociable d’une commande qui survient dans le cadre du chantier de construction ou de rénovation d’un édifice. L’atelier ne peut donc être la boutique que sous-entendent les termes anglais workshop et italien bottega. Les peintures murales ne sont pas produites en série, à partir de moules ou de matrices dont les motifs sont répétés ou réutilisés d’une commande à l’autre ou à des fins commerciales. Le processus de création médiéval, qui suit la règle de la translatio[6], implique non pas la reproduction d’un modèle faisant autorité mais son actualisation en fonction d’une commande propre. Quant aux conventions formelles adoptées, elles sont communes aux divers arts et relèvent d’un choix esthétique plus que d’une circulation des hommes. En cela le caractère répétitif de certains motifs ou de certaines thématiques, ou la reprise de conventions, interroge et ne peut être un argument d’attribution d’un ensemble peint à un maître supposé, dont on ignore tout. Par ailleurs, la préparation en amont de cette commande est difficile à documenter. À quel point l’ensemble peint est-il conçu sur mesure ? Le commanditaire fait-il son choix dans une gamme de modèles préalablement présentée par le peintre sollicité pour la réalisation d’un ensemble ou peut-il exiger l’imitation ou la citation visuelle d’un autre ensemble peint ? Quelle est la marge de négociation possible et d’adaptation du peintre aux desiderata du commanditaire ? Quelle collaboration est envisageable avec les autres acteurs du chantier (sculpteurs, maîtresverriers etc…) ? 

À ces considérations s’ajoutent l’évolution du contexte économique au fil des siècles. Alors que les sources des Xe-XIe siècles présentent le portrait type de l’artiste comme un clerc polyvalent qui se prête à l’exercice des divers arts sur demande d’un commanditaire[7], l’essor économique du XIIe siècle favorise la spécialisation des métiers dans un système de corporation, ainsi que l’émergence d’artisans laïcs à l’existence économique propre[8]. Il est évident que la production picturale n’a pas toujours suivi la même logique au fil des siècles, et que le type de commande dépend de l’édifice peint.

La question de l’atelier mérite donc d’être interrogée suivant trois axes : 

1. Qu’est-ce qu’un atelier ? Peut-on l’identifier et d’après quels critères ? Que faire des critères formels ? Quelles méthodologies mais aussi quelles technologies numériques peuvent être sollicitées ?

Sont attendues des propositions sur la peinture murale (y compris polychromies architecturales et plafonds peints) et les autres arts en Orient ou en Occident sur une période chronologique allant de l’Antiquité au Moyen Âge. Une attention sera portée à la diversité disciplinaire, géographique et chronologique des propositions retenues.

2. Comment comprendre les circulations et la transmission des savoirs sans recourir à la notion d’atelier ? Dans quel cadre le peintre est-il formé ? Dans quels cas des pratiques picturales similaires peuvent-elles refléter une même formation picturale, au sein ou en dehors d’un atelier ? La circulation est autant celle des matériaux, des modèles que celle des hommes.

3. Quel est le statut du peintre et quelles collaborations sont possibles avec les autres artistes/artisans ?

En raison du statut variable du peintre au fil des siècles et selon les zones géographiques, il importe de ne pas exclure les divers arts/techniques de production de cette étude. Outre d’éclairer la réflexion propre aux peintures murales, la mise en parallèle de la peinture avec les divers arts permettra d’évaluer la polyvalence du peintre et d’explorer les collaborations possibles, dans le cadre d’un chantier, des différents corps de métier.

Modalités de contribution

Les propositions de communication sont à envoyer à claire.boisseau@cnrs.fr et amaelle.marzais@univ-lyon2.fr 

avant le 15 novembre.

Les communications seront de 20 minutes

Comité organisateur

  • Claire Boisseau, CR CNRS Centre André-Chastel 
  • Amaëlle Marzais, MCF Lyon 2, ArAr

Comité scientifique

  • Claire Boisseau, CR CNRS, Centre André-Chastel
  • Karine Boulanger, IR CNRS, Centre André-Chastel
  • Jean-Marie Guillouët, PU Université de Bourgogne, ARTEHIS, IUF
  • Estelle Ingrand-Varenne, CR CNRS, CESCM-Univ Poitiers
  • Amaëlle Marzais, MCF Lyon 2, ArAr

Source : Calenda

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Réseau des médiévistes belges de langue française
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