Cycle de conférences – José Meirinhos “L’imagination au Moyen Âge : perception, connaissance, mémoire, action”

José Meirinhos (Université de Porto)

org. Centre Pierre Abélard, Sorbonne Université

les 7 octobre, 16, 17 et 18 décembre 2025 – 18h-20h – Sorbonne – amphi Quinet et amphi Michelet (46, rue Saint-Jacques 75005) – et à distance

1. Phantasia – imaginatio : mardi 7 octobre
2. Imaginatio virtus sensitiva : mardi 16 décembre, amphi Quinet
3. Imaginatio et memoria : mercredi 17 décembre, amphi Quinet
4. Imaginatio et appetitus : jeudi 18 décembre, amphi Michelet

Plus d’informations, notamment le résumé détaillé de chacune des conférences, sont disponibles sur le site du Centre Pierre Abélard.

L’imagination (phantasia gr. ; imaginatio lat.) a une longue tradition philosophique qui se raffine et se diversifie tout au long du Moyen Âge latin. Aristote la discute en détail dans De anima III, chap. 3, comme « cette fonction dont on dit qu’elle produit en nous l’image / est secundum quam dicimus fantasma aliquod nobis fieri » (428a1-2). Une succession d’apories concernant sa distinction de la sensation, de l’opinion et de l’intellection amène à sa définition comme « un mouvement produit par la sensation en acte / motus a sensu secundum actum factus » (429a1), pour conclure que même l’intellect (discuté aux chapitres 4 à 8) en dépend, puisqu’il ne pourra s’actualiser sans l’imagination (« l’âme ne pense jamais sans image », 431a16). Et Aristote va plus loin encore en montrant (en III.9-11) à quel point l’imagination a un rôle central tant dans l’appétit et le mouvement des animaux que dans le choix humain.
          La complexe théorie aristotélicienne de l’imagination a suscité des réactions de la part d’autres écoles philosophiques et un effort considérable de systématisation de la part des commentateurs. Cette discussion s’est développée en plusieurs directions, dont la principale fut l’élaboration d’une théorie des sens internes de l’âme et de ses objets qui s’éloigne parfois résolument d’Aristote, accueillant l’apport d’autres traditions. Calcidius, Augustin d’Hippone et Boèce ont transmis aux Latins un certain nombre d’éléments aristotéliciens qui guident la discussion sur l’imagination jusqu’au XIIe siècle. Les traductions arabo-latines et gréco-latines des œuvres naturelles d’Aristote et de ses commentateurs ou glosateurs relancent la discussion sur l’âme. Si ces nouveaux textes intègrent les éléments péripatéticiens de la théorie de l’âme d’Avicenne, les Latins les accueillent encore sous la primauté accordée à l’approche augustinienne, laquelle s’étend jusqu’au milieu du XIIIe siècle. C’est alors que, l’attention se déplaçant sur le De anima, comme en témoignent les commentaires et les quaestiones sur le texte aristotélicien, l’accent sera mis sur le rôle de l’imagination dans la perception sensible, la connaissance des choses naturelles et la formation de la connaissance intellectuelle, soit par abstraction, soit par illumination, donnant origine à une exubérante complexification des théories de l’imagination à la fin du Moyen Âge. La relation de l’imagination avec l’appétit et le mouvement (à partir de De anima III, 9-11) mérite beaucoup moins d’attention, d’autres solutions étant préférées, notamment la théorie de la volonté et du libre arbitre pour expliquer l’action humaine. D’autre part, la théorie de l’imagination devient également un outil pour l’étude de la mémoire (sensible ou intellectuelle, surtout à partir de De memoria et reminiscentia 1), du rêve, de la prophétie, mais aussi pour la discussion des formes trompeuses de la connaissance telles que l’illusion ou l’erreur, ou même des pathologies psycho-physiques.
         L’imagination n’a pas bénéficié au Moyen Âge de la même attention monographique que l’intellect. Robert Kilwardby a écrit un De spiritu fantastico sive de receptione specierum (vers 1250-1261, à Oxford) et le premier (et unique ?) De imaginatione est l’ouvrage de Jean-François Pic de la Mirandola, publié en 1501 à Venise. La discussion sur l’imagination se trouve plutôt dispersée dans de multiples textes, des brefs résumés sur les facultés de l’âme jusqu’aux grandes sommes théologiques ou aux commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard, aussi bien que dans les commentaires et questions sur le De anima d’Aristote. Il conviendrait également de mentionner la présence variée des théories de l’imagination dans la poésie et la littérature médiévales.
          Ces quatre leçons retracent l’histoire complexe des discussions sur l’imagination, qui résonnèrent encore chez Descartes, Malebranche, Spinoza, Hume ou Kant. Ces philosophes ont souligné ou le rôle marginal ou le rôle central de l’imagination dans les domaines de la connaissance et de la morale.
          Dans l’impossibilité de couvrir tous les détails des théories de l’imagination, ces quatre conférences se centrent sur un certain nombre de débats donnant la mesure tant de la dépendance que de l’écart des médiévaux par rapport à la pensée d’Aristote.
          La première conférence (Phantasia – imaginatio) examine la constitution du vocabulaire de l’imagination en tant que sens interne de l’âme sensible, dans sa relation avec les autres sens internes et avec le cerveau en tant que son organe propre. Une attention particulière sera accordée aux traductions et aux textes du XIIesiècle et de la première moitié du XIIIe siècle.
        À partir du XIIIe siècle, les auteurs latins s’intéressent surtout à la discussion sur l’imagination en De anima III, 3 en tant que faculté de représentation de ce qui apparaît dans la sensation (la conservant ou la constituant). Ce sera le sujet de la deuxième conférence (Imaginatio virtus sensitiva), discutant les positions sur la relation entre l’imagination et la sensation et la formation des représentations sensibles ou leur conservation.
        La conservation des images sensibles est un problème qu’Aristote avait discuté dans le De memoria et reminiscentia, où la mémoire est mise en relation avec l’imagination et a le pouvoir de conservation. C’est le thème de la troisième conférence (Imaginatio et memoria), qui se penchera sur les discussions des auteurs du XIIIe au XVIe siècle autour de la distinction entre mémoire sensible et mémoire intellectuelle, souvent déployée aussi sur le champ de la théologie.
          Dans la dernière partie de De anima, Aristote recourt également à l’imagination pour expliquer l’action des animaux, car les représentations de l’imagination sont l’objet de l’appétit, lequel à son tour cause l’action des animaux. Souvent remplacée par la théorie de la volonté pour rendre compte de l’action humaine, cette explication ne manque pas de poser certains défis, discutés dans la quatrième conférence (Imaginatio et appetitus), parmi lesquels la possibilité que l’imagination (et son contenu) puisse causer les mouvements du corps ou de l’intellect, et expliquer ainsi soit l’erreur, soit certaines affections psycho-physiques.

Inscription obligatoire pour toute personne n’ayant pas de carte d’accès à la Sorbonne (au moins deux jours à l’avance) ou pour obtenir un lien d’accès par ce formulaire

Source : Parimed

About RMBLF

Réseau des médiévistes belges de langue française
Cet article a été publié dans Séminaire. Ajoutez ce permalien à vos favoris.