Journée d’étude – Réorienter l’Orient : pour une redéfinition de l’ « autre » au Moyen Âge

L’actualité nous le montre quotidiennement : notre connaissance de « l’autre » est déformée, faussée, partielle, voire carrément inexistante. Concevoir cet « autre » présuppose de le positionner à l’aune de ses propres référents, de ses certitudes, de ses affects. Cette construction mentale, plus ou moins conforme à la réalité, s’assimile donc avant tout à une quête identitaire du « soi ». Cette attitude n’a pas épargné le monde scientifique.

En 1978, Edward Said publiait un essai pionnier sobrement intitulé Orientalism, dans lequel il menait une vaste réflexion sur le post-colonialisme occidental et remettait en question la façon dont les chercheurs occidentaux ont trop longtemps écrit l’histoire de l’Orient. Si les thèses, brillantes, de Said ont pu susciter certaines critiques – dont plusieurs semblent justifiées (voir par exemple Martin Varisco, Reading Orientalism : Said and the Unsaid, Seattle, 2007) –, sa pensée a été globalement bien reçue en Europe, notamment parmi les médiévistes francophones. Dès le début des années 1980, le Moyen Âge faisait ainsi l’objet d’une réflexion du type « Occident versus Orient » dans l’essai percutant d’Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes (1983). Pour ce dernier aussi, les rapports Orient/Occident ne devaient plus seulement se comprendre du point du vue du « nous », mais aussi – et surtout – du « eux » par et pour eux-mêmes. Plus récemment, l’historien John Tolan a abordé les contacts entre monde arabo-musulman et monde latin sous différents angles, comme ceux de la conquête, des réseaux commerciaux ou des influences intellectuelles (Les relations entre monde arabo-musulman et monde latin, Paris, 2000).

L’Orient est un concept souvent utilisée de manière floue et ambiguë, derrière lequel se cache, en fait, une réalité complexe et tout sauf monolithique. À l’instar de l’Occident, l’Orient se compose en effet d’une mosaïque de territoires, de cultures, de langues, de croyances, de peuples. Comment, au Moyen Âge, conçoit-on ces « voisins orientaux » et comment ceux-ci « nous » perçoivent-ils ? Parce que les contacts entre ces deux mondes ne sont pas que des affrontements militaires – même si les croisades, pour ne citer qu’elles, occupent, bien entendu, une place primordiale –, de prééminences religieuses entre les groupes mis en présence, de positions de conquêtes dont la Méditerranée reste l’enjeu majeur, il s’agira de définir la relation à l’autre en explorant la grande variété d’échanges et d’influences mutuelles. Ceux-ci peuvent être étudiés dans la double perspective du rapport à l’« au-delà » (la perception, la représentation et la relation à la transcendance) et du « par-delà » (les contacts intellectuels, scientifiques, juridiques, artistiques, linguistiques ou encore la vie quotidienne). En effet, depuis longtemps, certains Occidentaux et Orientaux ont cherché à se comprendre, à échanger, à dialoguer. La transmission des textes, les pratiques pérégrines, le culte de saints issus du panthéon oriental, les progrès scientifiques, les récits de voyageurs… Autant d’occasions d’entrer en contact et de trouver une certaine forme de connaissance de cet « autre », quel qu’il soit.

En 2007 déjà, le Réseau des Médiévistes belges de Langue française. Groupe de contact du FNRS organisait à Bruxelles une journée d’étude Orient. À nouveau, c’est autour de cette vaste thématique, et plus particulièrement autour de la question des relations existant entre l’Orient et l’Occident, que nous souhaitons réunir les médiévistes à l’occasion notre 31e journée d’étude, organisée en étroite collaboration avec l’ARC Speculum Arabicum (Université Catholique de Louvain). La tribune sera cédée aux jeunes chercheurs qui, par leurs travaux, se consacrent à ces questions. Issus de diverses disciplines (histoire, histoire de l’art, philologie, philosophie, droit…) et couvrant des champs chronologiques répartis sur toute la période médiévale, ils auront l’occasion de présenter leurs résultats et de proposer une meilleure connaissance de celui qui reste au cœur de nos questionnements: l’homo medievalensis… d’Orient ou d’Occident.

JE 31 RMBLFProgramme :

Séance du matin présidée par Johannes den Heijer
9h30-12h30

Lara Sels (KUL) – The Byzantine “Latin error lists” and their reception in the Slavia Orthodoxa
Emmanuel Van Elverdinghe (UCL) – Regards byzantins sur la Géorgie
Grégory Clesse (UCL) – Sources arabes dans les encyclopédies latines du XIIIe siècle : essai de typologie
Radouane Attiya (ULg) – Une critique des Évangiles à l’époque mamelouke

Séance de l’après-midi présidée par Frédéric Bauden
14h00-16h45

Camille Rouxpetel (Paris-Sorbonne) – Des Occidentaux à la rencontre de l’Orient chrétien : les modalités de la définition de l’altérité
Alexia Lagast (UA) – L’appropriation de l’Orient par l’Occident dans les récits de voyage de la fin du XVe siècle
Jean-Charles Ducène (ULB) – L’Europe et ses peuples vus par les auteurs musulmans du IXe au XVe siècle
Omayra Herrero-Soto et Florence Ninitte (UCL) – “Des custumes es isles envyroun Ynde” : les Grandes Îles de la Sonde dans les récits de voyageurs européens et arabes

Conclusions par Marie-Cécile Bruwier

Informations pratiques :
14 novembre 2014

Louvain-la-Neuve
UCL Salle du Conseil du Collège Erasme
Place Blaise Pascal, 1

Journée d’étude organisée par le RMBLF et l’ARC « Speculum Arabicum » (UCL)

Informations et inscription (souhaitée) : info.rmblf@gmail.com

A propos RMBLF

Réseau des médiévistes belges de langue française
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