Journée d’étude – Jean Cassien, un Père du Désert en Gaule

Né vers 360 dans la lointaine Scythie (l’actuelle Roumanie) sur les bords de la Mer Noire (ou peut-être en Provence selon quelques chercheurs contemporains), Jean entendit jeune l’appel du Seigneur et âgé d’une vingtaine d’années, il se rendit en Terre Sainte où il fut initié à la vie ascétique dans un monastère de Bethléem. Accompagné de son ami fidèle Germanos, il entreprit de se rendre en Egypte pour se mettre à l’école des Pères du désert.

Au centre ascétique de Scété (désert au sud d’Alexandrie), il fut particulièrement en lien avec le grand Evagre le Pontique dont il diffusera bien plus tard en Gaule les enseignements spirituels. Toutefois les violences religieuses qui secouèrent les communautés monastiques sous l’épiscopat de Théophile d’Alexandrie l’obligèrent à se réfugier à Constantinople auprès de Jean Chrysostome qui l’ordonna diacre. La crise née en Egypte ayant gagné tout l’Orient et conduit Jean Chrysostome sur les chemins de l’exil, Jean Cassien, toujours accompagné par Germanos, fut envoyé à Rome pour plaider la cause du prélat déposé auprès du Pape Innocent.

La répression continuant à frapper les proches de Chrysostome en Orient, Jean demeura un certain temps à Rome où il se lia d’amitié avec le diacre Léon (le futur pape) et fut ordonné prêtre. Sa quête du Christ le conduisit à poursuivre sa « perigrinatio » encore plus à l’ouest, en Gaule et plus précisément à Marseille où il fonda deux monastères et s’attacha à faire connaître la spiritualité des Pères du désert aux communautés de Provence à la demande des évêques de la région. C’est à cette haute figure spirituelle qui permit que la sève la plus féconde du désert égyptien gagne l’Occident, préparant les grandes synthèses monastiques de Césaire d’Arles et de Benoît de Nursie qu’est consacrée cette XIIe Petite Journée de Patristique.

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Communications :

Mme Marie-Anne VANNIER (Professeur de Théologie, Université de Lorraine)
Vie et œuvre de Jean Cassien

Parmi les Pères de l’Église, Jean Cassien a un statut particulier, dans la mesure où il a passé une grande partie de sa vie dans le désert d’Egypte, puis à Constantinople, avant de venir s’installer à Marseille et d’y implanter le monachisme qu’il a connu en Orient. C’est un pont entre l’Orient et l’Occident.

Son œuvre répond à des demandes : celle des moines de Lérins qui l’amènent à rapporter les paroles de vie qu’il a reçues dans le désert d’Égypte et à les transmettre à l’Occident dans ses célèbres « Collationes » qui ont marqué la spiritualité médiévale. Son autre ouvrage monastique : les Institutions cénobitiques répond à la même demande, en vue d’organiser la vie monastique en Occident.

En revanche, le « Traité de l’Incarnation » lui a été demandé par le futur Pape Léon le Grand, qui était alors archidiacre à Rome

M. Jean GUYON (Archéologue et historien, Directeur de recherche émérite au CNRS, directeur de recherche émérite au Centre Camille Jullian)
Marseille à l’époque de Jean Cassien. Approches archéologiques

Dès la plus haute antiquité, Marseille fut la porte d’entrée de l’Orient en Gaule et il en fut de même pour l’Evangile. Une première communauté chrétienne y est bien établie au début du IVe siècle avec son évêque Oresius qui siège au concile d’Arles en 314. Toutefois, c’est sous l’épiscopat de Proculus (381-428) – celui-là même qui accueillit dans sa ville épiscopale Jean Cassien -, que s’affirme la présence chrétienne dans la cité. Cette empreinte récemment enrichie par des découvertes archéologiques comme celles de la rue Malaval, est non seulement révélatrice du passage de la cité antique à la cité médiévale mais aussi de la christianisation de toute une cité tant par l’édification de bâtiments spécifiques comme les ecclesia ou le baptistère (le plus grand de Provence) que par de nouvelles façons de procéder aux inhumations ou des pratiques nouvelles comme la vénération des fidèles pour les reliques des martyrs, autant d’indices de la christianisation de la cité que peut rejoindre le travail de l’archéologue.

P. Pascal-Grégoire DELAGE (Association CaritasPatrum)
L’ascétisme féminin en Gaule jusqu’à l’époque de Jean Cassien

Selon l’auteur Gennade de Marseille (fin Ve siècle), Jean Cassien fonda entre 420 et 430 dans la ville provençale deux monastères dont un de femmes, monastère qu’il plaça probablement sous l’autorité spirituelle de sa sœur. Cet établissement passe pour être l’un des plus anciens monastères féminins, si ce n’est le plus ancien, de Gaule, ce qui n’est toutefois pas avéré.

Ainsi notre enquête portera sur les différentes manières par lesquelles les femmes en Gaule avaient pu envisager de répondre à l’appel du Christ dans le cadre de la vie religieuse jusqu’à l’époque de Jean Cassien, mais aussi sur ce que la fondation cassianite aura eu de déterminant dans la pratique de l’ascétisme féminin, legs qui sera peut-être en partie entériné un siècle plus tard par la Règle des Vierges de Césaire d’Arles.

M. Michel COZIC (Université de Poitiers)
Cassien, apôtre du cheminement spirituel vers la sainteté, d’après quelques-unes de ses Conférences

On connaît la phrase de Léon Bloy : « Il n’y a qu’un malheur, c’est de ne pas être des saints », reprise par l’agnostique Marguerite Yourcenar. Pour échapper à un tel malheur on peut écouter Cassien nous proposer ses « trois renoncements » et le cheminement, à travers prière, épreuves et communion des saints, vers ce que Thérèse de l’Enfant Jésus disait à sa mort : « J’entre dans la vie ».

Mme Annie WELLENS (écrivain)
Les Conférences de Jean Cassien « réorientées » vers les laïcs. Une relecture de l’histoire de deux traductions en vieux français (XIVe-XVe siècle) : stérilisation ou fertilisation des textes ?

Selon Martine Pagan, « alors que le public originel de Cassien se compose de moines et que le but de l’auteur est de permettre à ses lecteurs d’atteindre la perfection, le public des traductions en ancien français est un public laïc, probablement de cour et bien ancré dans le siècle. Destinée à ce nouveau lectorat, la traduction peut-elle se mettre entièrement au service de Cassien ou propose-t-elle une doctrine révisée ? » mais qu’en est-il réellement et pour quels enjeux et avec quelles stratégies ?

Informations pratiques :

Cette XIIe Petite Journée de Patristique, organisée par l’Association Caritaspatrum, se déroulera à la Maison diocésaine de Saintes (80, cours Genêt – Charente-Maritime), le samedi 21 mars 2020 , de 9 h 00 à 16 h 30.

Source : Caritas Patrum

A propos RMBLF

Réseau des médiévistes belges de langue française
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