Rencontre du RMBLF — Patrimoine et Archéologie en péril ! De défi-sites en défi-sciences

11-12 janvier 2022
Bruxelles, Université Libre de Bruxelles

En avril 2020, en pleine crise du coronavirus, le Parlement de Wallonie annonçait son intention de faire détruire sans investigation scientifique les vestiges archéologiques sur le site de la future « Maison des Parlementaires » à Namur, malgré le potentiel avéré en cours d’étude. Alors que le délai initial pour fouiller ces 2000 ans d’Histoire sur 2000 m² relevait déjà d’une gageure – quatre mois sans sursis au cœur de l’hiver –, cet événement a constitué la goutte d’eau qui fit déborder le vase, au point d’enclencher un mouvement de mobilisation au sein de la communauté scientifique et du grand public. L’indignation de citoyen·nes, couplée à une carte blanche soutenue par près de 200 acteurs·rices de la recherche, a permis d’obtenir que les vestiges restants ne soient pas détruits aveuglément en l’absence d’archéologues. Si cette victoire symbolique fut belle, elle a néanmoins laissé un goût amer. Le délai offert fut de… quatre semaines de fouilles, alors qu’il restait 1000 ans à traiter depuis la fondation de la ville romaine, sans parler des occupations antérieures, soit un maximum d’un jour et demi de travail par siècle d’occupation.

Depuis plusieurs années, de législature en législature, les moyens octroyés à l’archéologie et à la recherche, tant économiques qu’humains, ne cessent d’être restreints sous prétexte d’économie, en vantant les mérites de faire mieux avec moins. Cette situation reflète un contexte plus général où l’argent est devenu l’unique mesure de l’activité humaine et de son temps dans un modèle de société souvent qualifié de néo-libéral, au sens purement économique du terme. Au sein de ce modèle, seules comptent les données monnayables et statistiques, le plus souvent au détriment du bien-être des travailleurs·euses, que ces personnes soient ouvrier·es dans l’industrie ou employé·es d’un vaste secteur tertiaire dont font partie les métiers du Patrimoine et de l’Histoire. En effet, parmi les éléments essentiels contribuant à ce bien-être, ce modèle met en cause la satisfaction du travail bien accompli, faisant pleinement sens au-delà de son aspect purement « alimentaire », au même titre que le temps et les conditions matérielles nécessaires à l’accomplir. En aliénant les travailleurs·euses, ce système atteint ses limites et génère désormais une paralysie dont la mésaventure de la Maison des Parlementaires n’est qu’un exemple récent dans le cadre particulier de nos métiers.

Concrètement, la réalité à laquelle beaucoup de membres de nos métiers du Patrimoine et de la recherche en sciences humaines sont confronté·es est alarmante : celle d’un manque chronique d’investissement. Les objectifs principaux portent en effet de plus en plus sur la rentabilité directe au détriment de l’investigation de qualité qui se donne le temps de la profondeur, et valorise un patrimoine dont la valeur historique, artistique, et mémorielle – en bref, humaine –, ne peut être réduite à sa seule expression financière. Reflétant cette situation déplorable, les déconvenues patrimoniales se sont en effet succédé ces dernières années. Songeons à la destruction inqualifiable du Pont des Trous à Tournai, ou encore à l’état de délabrement de monuments comme la collégiale Sainte-Croix de Liège. Confrontées à une indifférence confinant parfois au mépris de la part des pouvoirs politiques, nos disciplines se trouvent plus que jamais dans une situation critique menaçant leur avenir ; un avenir pourtant essentiel à une société qui ne peut se construire sous vide, en milieu aseptisé, sous peine de ne servir qu’à des intérêts financiers et consuméristes. Osons poser la question : le but serait-il de faire disparaître la recherche en sciences humaines et la gestion patrimoniale raisonnée, nécessitant des investissements publics, pour faire place à une recherche de commande ? Cette dernière répond aux impératifs de capitalisation symbolique momentanés et sans cesse changeants de financeurs privés et de certain·es responsables publics.

Face à cette situation, le Réseau des Médiévistes belges de Langue française (RMBLF – Groupe de contact du F.R.S.-FNRS) ainsi que le CReA-Patrimoine et SociAAM (ULB) souhaitent rassembler une série d’acteurs·rices issu·es du monde universitaire et des institutions patrimoniales (conservateurs·rices de musées, historien·nes de l’art, de l’architecture, archéologues, employé·es dans des services d’archéologie régionaux, agent·es attaché·es au Patrimoine, etc.) avec l’intention de débattre de l’avenir de la recherche scientifique dans le champ des sciences liées au Patrimoine. Plus que jamais, il y a urgence, à notre sens, de nous rassembler, voire de nous structurer, pour faire face aux défis de demain. La crise et la rentabilité économiques justifient depuis trop longtemps les coupes budgétaires qui détruisent chaque jour un peu plus toutes les disciplines dont l’impact s’inscrit dans des dynamiques de long terme, qui ont, entre autres, à voir avec l’émancipation individuelle et la construction d’une conscience publique. Cette journée se placera en quelque sorte dans la continuité du débat que nous avions initié autour de la thématique Des sciences (humaines) sans conscience ?

La rencontre sera l’occasion de formuler un certain nombre de constats, afin d’identifier les difficultés communes frappant nos secteurs de recherche – qu’il s’agisse des difficultés de financement ou de problèmes plus pernicieux. C’est l’occasion de porter un regard critique afin de construire ensemble notre avenir. Il importe aussi de réfléchir à de meilleurs moyens de faire entendre notre voix et de défendre les valeurs de nos métiers, valeurs que nous estimons essentielles – parce que critiques – à un modèle de société démocratique et participatif où chacun·e doit avoir le droit d’œuvrer dans des conditions décentes qui donnent un sens au travail accompli et à la vie. Face aux enjeux à venir, le temps ne serait-il pas venu de nous structurer pour défendre nos disciplines au sein d’une société qui se trouve aujourd’hui à un carrefour essentiel pour l’avenir qu’elle veut se donner ?

Organisée en collaboration avec le CReA-Patrimoine et l’unité de recherche sociAAM, cette 43e rencontre du RMBLF se tiendra les 11-12 janvier 2022 à Bruxelles (Université Libre de Bruxelles, Campus du Solbosch).

Programme :

Jour 1 — Volet A : Recherche scientifique et institutions patrimoniales
Aspects abordés : a) ¨Politique scientifique ; b) Financement et partenariat public/privé ; c) Classement et hiérarchisation du patrimoine ; d) Conservation et transmission des résultats de recherche.

Jour 2 — Volet B : Recherche et communication scientifique
Aspects abordés : a) Attentes ; b) Décalage entre monde scientifique et public ; c) Enseignement et éducation ; d) Patrimoine et ancrage local.

Questionnaire soumis aux participants conviés aux deux journées de débat : ici

Informations pratiques :

Dates : 11-12 janvier 2022, en présentiel.
Horaire : 9h30-12h30 ; 14h30-17h00. Temps de midi libre en raison des conditions sanitaires.

Salle : Salle Somville  S.02.331. iv 1 bâtiment S – entrée avenue Jeanne 44.

Inscription gratuite mais indispensable avant le 5 janvier 2021. Par courriel à info.rmblf@gmail.com

A propos RMBLF

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