Colloque – La Hanse et l’Atlantique 1300-1500 : acteurs, commerce, conflits

Appel à communication pour un colloque international
La Rochelle Université, 9 et 10 juin 2023

Les marchands allemands de la Hanse, cette association commerciale active à partir du milieu du XIVe siècle, apparaissent à la fin du Moyen Âge sur tout le pourtour des mers du Nord et Baltique, dont ils dominèrent longtemps le commerce. Bien attestées par les sources, la présence et l’activité des Hanséates dans l’espace atlantique demeurent cependant peu étudiées dans l’historiographie. Cette lacune s’explique en premier lieu par l’éparpillement de sources archivistiques mal répertoriées : dans le cas de la France, le défaut de coopération scientifique avec l’Allemagne à la fin du XIXe siècle, quand d’importants programmes éditoriaux allemands aboutirent à la publication des principales éditions de sources hanséatiques, a conduit à une représentation fortement déficitaire des archives françaises dans ces collections que la recherche allemande utilise encore assidument. Depuis lors, les dépouillements réalisés dans le cadre de monographies sur les ports de La Rochelle et de Bordeaux, ou sur la Bretagne et la Normandie, sont certes venus étayer la présence de marchands allemands dans plusieurs régions du royaume de France ; mais l’absence de recensement systématique, d’une part, et les difficultés d’approche, de manipulation et de méthode que pose la consultation des Hanserezesse et du Hansisches Urkundenbuch, d’autre part, ne facilitent pas le dialogue entre les deux traditions historiographiques. Aussi, alors même que Bruges et Londres ne constituèrent jamais les limites occidentales de la zone d’activité de la Hanse, la présence des marchands bas-allemands au-delà de ces deux places commerciales, ainsi que leurs interactions avec les acteurs juridiques et économiques de la côte atlantique, demeurent encore largement sous-étudiés : comment les Hanséates y interagissent-ils avec leurs concurrents et avec les populations et les autorités locales ? 

En réunissant des chercheurs internationaux autour des liens entre la Hanse et l’espace atlantique, le présent colloque se propose de mettre en lumière leur vitalité en adoptant une perspective résolument large. Le commerce en constitue une dimension importante, mais non la seule : dans un contexte de guerre de Cent Ans et de projection maritime des puissances royales anglaise, française et ibériques, les conflits – parfois violents –, la manière dont ils sont gérés ou résolus, ainsi que les instances publiques ou corporatives qui interviennent dans ces processus, jouent un rôle important, non seulement dans la manière dont les marchands et gens de mer parcourent l’espace maritime et se l’approprient, mais aussi dans la localisation des points de contact et d’échange. L’espace atlantique forme le cadre géographique de cette étude : il se conçoit comme un ensemble maritime cohérent, sillonné – de la Péninsule ibérique à la Cornouaille –, par les mêmes gens de mer anglais, normands, bretons, gascons, castillans ou encore portugais. Pour mieux appréhender la complexité des interactions de chacun de ces groupes avec les Hanséates, les contributeurs seront invités à accorder une attention particulière à leur spatialité et aux acteurs qu’elles engagent. 

On le sait : les liens des marchands d’Allemagne du Nord à l’espace atlantique, où leur présence est attestée dès la fin du XIIIe siècle, sont d’abord commerciaux. Les ports de cette région exportent certaines des principales marchandises commercialisées au sein des réseaux de la Hanse, parmi lesquelles on retient habituellement le « sel de la Baie » (de Bourgneuf) ou les vins d’Aquitaine. Ces marchandises se laissent ensuite tracer dans les principaux ports d’Europe du Nord et font régulièrement l’objet de discussions lors des diètes de la Hanse. La connaissance des échanges commerciaux entre l’espace atlantique et l’Europe du Nord appelle donc d’abord une approche économique, propre à caractériser ces flux de manière à la fois qualitative et quantitative, en s’interrogeant aussi bien sur la nature des produits échangés que sur les volumes en jeu. Ce volet pourrait être également l’occasion de s’interroger sur la circulation des monnaies : quelles devises eurent la préférence des marchands en interaction dans l’espace atlantique ? Quelle pénétration des monnaies d’Europe de l’Ouest en Allemagne du Nord et vice versa ? Quelle diffusion du crédit dans les relations commerciales ?

L’étude de ces contacts et échanges appelle un effort de définition de leur géographie. Cette question mérite d’être posée à plusieurs échelles, en cherchant non seulement à identifier l’origine géographique des bateaux, des marchands et des gens de mer affiliés à la Hanse dans l’espace atlantique, mais aussi à cartographier plus finement leurs itinéraires, leurs points d’escale et de destination ; voire, à l’échelle d’une ville ou d’une localité, les lieux où ils séjournent et commercent, ainsi que les instances devant lesquelles ils portent leurs plaintes ou leurs litiges. Il faut insister sur le fait que cette géographie est évolutive, variable non seulement en fonction du contexte politique et militaire, mais aussi en fonction des concurrences et des opportunités commerciales. On sait ainsi que des Hanséates sont établis à La Rochelle au moins jusqu’en 1419, date à laquelle ils en sont expulsés pour plusieurs décennies par leurs concurrents espagnols.

Les interactions des marchands allemands avec leurs homologues et concurrents génèrent autant d’échanges que de litiges, lors desquels les plaintes devant les tribunaux municipaux ou royaux alternent avec les violences en mer. Il n’est pas anodin que, lorsque les Allemands se rendent sur la côte atlantique, c’est souvent par convois entiers, réunissant des bateaux originaires de plusieurs villes et constituant ce que l’on a appelé la « flotte de la Baie » (Baienflotte). Cette conflictualité est accentuée aux XIVe et XVe siècles par le conflit francoanglais. La concommittance de ce dernier avec la naissance et la pérennisation de la Hanse à partir du milieu du XIVe siècle invite à s’interroger sur l’attitude adoptée par celle-ci vis-à-vis des belligérants, et sur la manière dont les Hanséates ont su louvoyer entre les deux et préserver – ou non ? – une neutralité mercantile. Elle invite aussi à s’interroger sur l’accueil réservé aux Hanséates et sur la réputation dont ils jouissaient auprès des populations et autorités locales. Enfin, elle pose la question de la place occupée par les institutions hanséatiques (les diètes et les comptoirs, en premier lieu ceux de Bruges et de Londres) dans les stratégies de gestion des conflits des marchands allemands actifs dans l’espace atlantique. Se revendiquent-ils de la Hanse ? Si oui, comment et à quelles fins ? Ou alors privilégient-ils d’autres identités, d’autres affiliations juridiques, dans leurs interactions avec les populations atlantiques ?

Quelques suggestions de thèmes :

Spatialités

  • Les lieux de la présence allemande sur la côte atlantique et leur évolution
  • L’organisation de leur accueil à l’échelle locale
  • Provenances des marchands de la Hanse
  • Infrastructures ; formes d’association et d’organisation

Échanges

  • La circulation des marchandises « hanséatiques » dans l’espace atlantique
  • La circulation des produits du commerce atlantique en Europe du Nord
  • Les monnaies utilisées 
  • Perception et réputation des marchands de la Hanse

Conflits

  • Les répercussions des rivalités politiques des royaumes sur la violence en mer
  • Les instances intervenant dans la régulation des conflits en mer
  • Les affiliations juridiques mobilisées par les acteurs 
  • Les stratégies de prévention des risques de conflit en mer

Consignes

Les propositions de communication (max. 300 mots) pourront être rédigées en français ou en anglais. Elles sont à envoyer aux adresses suivantes : tobias.boestad@gmail.com ; philipp.hoehn@geschichte.uni-halle.de ; amicie.pelissie-durausas@univ-lr.fr ; pierre.pretou@univ-lr.fr.

avant le 1er octobre 2022.

Les communications devront durer de 20 à 25 minutes et être présentées en français ou en anglais. Elles auront vocation à être publiées. Un intérêt particulier sera porté aux propositions de jeunes chercheurs.

La prise en charge des frais de transport et d’hébergement est conditionnée à des financements dont les demandes sont en cours. 

Comité d’organisation

  • Tobias BOESTAD  (La Rochelle Université)
  • Philipp HÖHN  (Université de Halle-Wittenberg)
  • Amicie PELISSIE DU RAUSAS  (La Rochelle Université)
  • Pierre PRETOU  (La Rochelle Université)

Comité scientifique

  • Rolf GROßE (IHA Paris)
  • Angela HUANG (FGHO)
  • Ulla KYPTA (Université de Hamburg)
  • Jean-Marie MOEGLIN (Sorbonne Université/EPHE)
  • Pierre MONNET (IFRA-SHS/EHESS)
  • Louis SICKING (Université de Leiden)
  • Justyna WUBS-MROZEWICZ (Université d’Amsterdam)

A propos RMBLF

Réseau des médiévistes belges de langue française
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