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Gérone, 14-16 juin 2023
En raison de leur position géographique particulière à la charnière de l’espace galloroman et de l’espace ibéroroman, les territoires de la Couronne d’Aragon ont joué un rôle fondamental de carrefour politique et culturel au cours du Moyen Âge. À partir du règne d’Alphonse le Chaste (1157-1196),premier roi d’Aragon de la dynastie de Barcelone et troubadour en langue d’oc, la dimension culturelle – la lyrique troubadouresque en premier lieu, mais pas seulement – est mise au service d’un projet politique offensif visant non seulement à consolider les racines dynastiques et le prestige politique de la monarchie catalane-aragonaise, mais aussi à renforcer les relations de pouvoir et de dépendance gouvernementale des territoires occitans.
Pendant près de deux siècles (de la seconde moitié du XIIe siècle à la première moitié du XIVe siècle), la Couronne d’Aragon a été le protagoniste, parfois aux côtés et parfois en conflit avec les souverains de France, d’Angleterre et des autres royaumes péninsulaires (Navarre, Castille, et Portugal), des événements politiques les plus importants d’Europe occidentale. À cela, il faut ajouter les relations complexes, parfois conflictuelles, avec la Curie pontificale. Pour mémoire, on citera la Reconquista et son entremêlement de rapports complexes tant entre royaumes chrétiens et musulmans qu’entre chrétiens (par exemple avec la Bataille de Las Navas de Tolosa en 1212), la Croisade albigeoise et la déroute de Muret (avec la mort de Pere II en 1213), le Traité de Corbeil (1258), l’expansion méditerranéenne sous l’impulsion de Jaume 1er et la croisade punitive qui s’ensuit (le Pape Martin IV et Philippe III le Hardi contre Pere III d’Aragon, 1285), et l’interférence de Pere III dans le pleito sucesorio du Royaume de Castille-León.
Les troubadours de langue d’oc, tantôt partisans tantôt ouvertement opposés à la politique catalano-aragonaise, ont fait, dans leur production poétique, de tous ces événements un tissu dense d’allusions pas toujours évidentes à saisir et non linéaires, mais qui témoignent incontestablement de la vivacité de l’héritage culturel de la Couronne d’Aragon. D’une part, s’il est indéniable que le long règne de Jacques Ier (1208-1276, régnant à partir de 1213) n’a pas représenté un moment particulièrement fécond pour la lyrique troubadouresque en terre catalane – sans négliger cependant que la figure du Conqueridor est transposée dans le héros éponyme du Jaufré. D’autre part, au moins pendant la première phase de son règne, les territoires occitans opprimés par les Français vainqueurs de la Croisade, voient le jeune prince catalan comme un libérateur. Enfin, il est incontestable que la Couronne d’Aragon a joué un rôle loin d’être secondaire dans le développement historique de la lyrique en langue d’oc. En ce sens, le rôle de Cerverí de Girona, troubadour au service de Pierre III (1239-1285) est emblématique. Dans son expérience lyrique, « non sarà fuori luogo scorgere le origini, più ancora che le dirette premesse, della nuova scuola nazionale catalana » (Asperti 1999 : 23).
Le versant des relations lyriques catalanes-occitanes est aujourd’hui un secteur largement étudié, tant sur le plan philologico-littéraire que dans ses implications historiques. En revanche, l’étude des contacts entre la lyrique de langue d’oc et la lyrique gallego-portugaise dans les territoires de la Couronne d’Aragon a fait l’objet de moins de recherches. À l’exception de contributions de Vicenç Beltran (désormais recueillies dans Beltran 2005), l’attention des critiques s’est principalement focalisée, certainement pour de bonnes raisons, sur les cours d’Alphonse X et de Fernand III en Castille-León, et de Dom Dinis (Denis 1er) au Portugal. Cette perspective a permis d’esquisser un tableau assez complet des rapports poétiques occitans et gallego-portugais en terre castillane, rapports tantôt investigués sous l’angle de l’intertextualité, tantôt sous l’aspect technico-formel de la contrefaçon métrico-mélodique en contexte ibérique. Cependant, ces rapports ont presque toujours été établis dans une perspective à sens unique et occitano-centrée : s’il s’agit d’une imitation, l’imitateur est forcément le troubadour ibérique. On rappellera ici le volume de Billy/Canettieri/Pulsoni/Rossell 2003, qui a attiré l’attention sur les territoires aragonais comme point de rencontre et d’échange pour les troubadours appartenant aux deux traditions.
Le problème ouvre à des perspectives plus vastes qui impliquent des questions relatives à la circulation des poètes, des manuscrits et, dans un sens beaucoup plus large, des idées. En effet, on ne peut négliger que l’un des premiers et des plus solides liens de la Couronne d’Aragon, connue pour sa culture littéraire en langue d’oc, avec les autres monarchies ibériques repose sur une politique matrimoniale avisée. Alphonse X de Castille (1221-1284) était à la fois le gendre de Jacques Ier d’Aragon, dont il avait épousé la fille D.na Violante en 1249, et le beau-père de D. Alfonso III de Portugal, qui en 1253 avait épousé D.na Beatrice, fille illégitime du roi Sage. De la même manière, D. Dinis, petit-fils d’Alphonse X, était à la fois le gendre de Pierre III d’Aragon dont il avait épousé la fille D.na Isabel en 1282, et le beau-père du roi de Castille, Fernand IV, qui avait épousé en 1302 l’infante Constance de Portugal, fille du Lavrador. Il ne semble donc pas impossible que des traces, fussent-elles ténues, d’influences réciproques entre troubadours, soient demeurées dans les maillons de ces relations étroites.
Nous invitons donc les chercheurs de différentes disciplines à contribuer à un échange d’idées qui, à partir de perspectives pluri- ou interdisciplinaires, propose une nouvelle réflexion sur la Couronne d’Aragon en tant que carrefour des cultures entre la seconde moitié du XIIe et la première moitié du XIVe s. Bien que la sphère des échanges lyriques demeure l’un des secteurs de recherche privilégiés, d’autres pistes importantes de réflexion se signalent.
— Relations culturelles
— Relations politiques
— Relations commerciales et mobilité
— Rôle de la noblesse, et de la noblesse féminine
— Rôle de la religion et de l’altérité religieuse
Cette liste ne prétend pas à l’exhaustivité, et nous accueillons pour cette réflexion commune toutes les contributions, de tout point de vue disciplinaire et/ou méthodologique, qui placeront au cœur de leur recherche les échanges culturels entre la Couronne d’Aragon et les Royaumes ibériques (Navarre, Castille, Portugal) ou entre la Couronne d’Aragon et le monde galloroman (territoires de langues d’oc et d’oïl).
Les langues de travail sont toutes les langues romanes et l’anglais.
Les propositions de communication (ca. 250/300 mots ; 20 min.) seront envoyées via le site internet du colloque http://esdeveniments.udg.edu/go/colloqui-corona-arago-2023 avant le 7 mai 2023. Le comité d’organisation communiquera sa réponse dès que possible.
Le colloque se tiendra de manière préférentiellement présentielle. Néanmoins, il est possible de donner une communication, ou d’y assister de manière télématique.
Frais d’inscription :
80 euros : communicant
50 euros : étudiant communicant sans bourse ou jeune chercheur sans contrat (sur justificatif)
10 euros : assistance avec attestation.
Le colloque sera suivi de la publication d’actes.
COMITÉ D’ORGANISATION
Fabio Barberini (Universitat de Girona/ILCC)
Marjolaine Raguin (Universitat de Girona/ILCC)
SECRÉTARIAT
Ivan Vera (Universitat de Girona/ILCC)
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Anna Alberni (ICREA/Universitat de Barcelona)
Martin Alvira Cabrer (Universidad Complutense de Madrid)
Martin Aurell (Université de Poitiers)
Lola Badia (Universitat de Barcelona)
Gerardo Boto Varela (Unversitat de Girona)
Mercedes Brea (Universidade de Santiago de Compostela)
Lluis Cabré (Universitat Autonoma de Barcelona)
Miriam Cabré (Universitat de Girona/ILCC)
Inés Calderón Medina (CSIC Madrid)
Laura Fernández Fernández (Universidad Complutense de Madrid)
Anna Ferrari (Università dell’Aquila)
Yara Frateschi Vieira (Universidad Estadual de Campinas, São Paulo)
Saverio Guida (Università di Messina)
Sadurní Martí (Universitat de Girona/ILCC)
Anna Radaelli (“Sapienza” Università di Roma)
Xavier Renedo Puig (Universitat de Girona/ILLC)
António Resende de Oliveira (Universidade de Coimbra)
Leontina Ventura (Universidade de Coimbra)
Cantar quer’eu dos d’Aragon e dos da Cadalonha
The Crown of Aragon at the crossroads of cultures
Due to their particular geographical position between the Gallo-Romance and Iberian-Romance areas, the territories of the Crown of Aragon played a fundamental role as a political and cultural crossroads during the Middle Ages. Since the reign of Alfonso the Chaste (1157-1196), the first king of Aragon from the Barcelona dynasty and a troubadour in the Occitan language, the cultural dimension – troubadour lyrics in the first place, but not only – was put at the service of a political project aimed not only at consolidating the dynastic roots and political prestige of the Catalan-Aragonese monarchy, but also at reinforcing the relations of power over Occitan territories.
For almost two centuries (2nd half of the 12th C- 1st half of the 14th C), the Crown of Aragon was involved in some of the most important political events in Western Europe, sometimes alongside and others in conflict with the rulers of France, England, and the other peninsular kingdoms (Navarre, Castile, and Portugal), while its relationship with the Papal Curia was complex, and at times conflicted. Its role in contemporary politics can be gauged in the fight against peninsular Muslim kingdoms and its intertwining of complex interactions between Christian and Muslim as well as among Christians (see as an example the Battle of Las Navas de Tolosa in 1212), the Albigensian Crusade and the defeat at Muret in 1213 (leading to the death Peter the Catholic), the Treaty of Corbeil (1258), the Mediterranean expansion under the impulse of Jaume I and the subsequent punitive crusade that Pope Martin IV called against Peter the Great of Aragon in 1285, as well as King Peter’s previous interference in the lawsuit for succession in the Kingdom of Castile and Leon.
The poetic production of troubadours in Occitan, sometimes supportive and sometimes openly adversarial to Catalan-Aragonese policy, has turned all these events into a dense network of allusions, not always unambiguous and easy to grasp, which testifies to the vivacity of this cultural heritage in the Crown of Aragon. It is undeniable that the long reign of James I (1208-1276, reigning from 1213) did not represent a particularly fertile moment for troubadour lyricism in Catalan lands – although King James is allegorically alluded in Jaufré by means of its eponymous hero, and early on in his reign the Occitan nobility oppressed by the victorious French crusaders saw the young king as a liberator. However, it is also undisputable that the Crown of Aragon played a role far from secondary in the historical development of Occitan lyrics. In this sense, the troubadour Cerverí de Girona, at the service of Peter the Great (1240-1285), is emblematic, and in its lyrical experience «non sarà fuori luogo scorgere le origini, più ancora che le dirette premesse, della nuova scuola nazionale catalana» (Asperti 1999: 23).
The Catalan-Occitan lyrical relations are nowadays a widely studied sector, both in philological-literary terms and in its historical implications. On the other hand, the contacts between Occitan and Galician-Portuguese lyrics in the Crown of Aragon are still under-researched. With the exception of Vicenç Beltran’s contributions (now collected in Beltran 2005), critical attention has been mainly focused, certainly for good reasons, on the courts of Alfonso X and Fernando III in Castile-León, and of Dom Dinis (Denis I) in Portugal. A fairly complete picture of the Occitan and Galician-Portuguese poetic relationships in Castilian lands has emerged, sometimes investigated from the angle of intertextuality, others from a technical-formal study of metrical-melodic imitation in an Iberian context. However, these relationships have almost always been approached from an Occitan-centric point of view, as a one-way phenomenon: whenever imitation occurred, the imitator is deemed to be the Iberian troubadour. We might recall, for instance, Billy/Canettieri/Pulsoni/Rossell 2003, which draws attention, however, to the Aragonese territories as a meeting and exchange point for troubadours belonging to both traditions.
The problem opens up wider questions about the circulation of poets, manuscripts and, in a much broader sense, ideas. Indeed, it cannot be overlooked that the earliest and strongest links of the Crown of Aragon with the other Iberian monarchies rests on a shrewd matrimonial policy. Alfonso X of Castile (1221-1284) was both the son-in-law of James I of Aragon, whose daughter Violant he had married in 1249, and the father-in-law of D. Alfonso III of Portugal, who in 1253 had married D.na Beatrice, the Castilian king’s illegitimate daughter. Similarly, D. Dinis, Alfonso X’s nephew, was both the son-in-law of Peter III of Aragon, after marrying his daughter Isabel in 1282, and the father-in-law Fernando IV of Castile, who in 1302 had married the infanta Constance of Portugal, daughter of the Portuguese king. It does not seem impossible, therefore, that traces of reciprocal troubadour influences, even if fleeting, remained in the links of these close relations.
We invite researchers from different disciplines to contribute to a multi- or interdisciplinary exchange of ideas in order to reassess the Crown of Aragon as a crossroads of cultures between the second half of the 12th and the first half of the 14th C. Although the sphere of lyrical exchanges remains one of the privileged sectors of interest, we wish to highlight other important research lines.
— Cultural relations
— Political relations
— Commercial relations and mobility
— The role of the nobility, and female nobility
— The role of religion and religious otherness
This list does not intend to be exhaustive, and we welcome for this common reflection all contributions, from any disciplinary and/or methodological point of view, which will place at the heart of their research the cultural exchanges between the Crown of Aragon and the Iberian kingdoms (Navarre, Castile, Portugal) or between the Crown of Aragon and the Gallo-Romance world (Occitania and France).
Languages: Proposals (and papers) are accepted in all Romance languages and in English.
Proposals for papers (ca. 250/300 words, ca. 20 min.) should be sent through the website before May 7, 2023. The organizing committee will communicate its response as soon as possible.
The symposium will preferably have traditional in-person sessions in Girona. Nevertheless, it is possible to give a conference, or to attend it online (virtual sessions).
Registration fees: 80 euros / communicant; 50 euros / student communicant without grant or young researcher without contract; 10 euros / attendance with certificate of presence
Conference proceedings will be published.
ORGANIZING COMMITTEE
Fabio Barberini (Universitat de Girona/ILCC)
Marjolaine Raguin (Universitat de Girona/ILCC)
SECRETARIAT
Ivan Vera (Universitat de Girona/ILCC)
SCIENTIFIC COMMITTEE
Anna Alberni (ICREA/Universitat de Barcelona)
Martin Alvira Cabrer (Universidad Complutense de Madrid)
Martin Aurell (Université de Poitiers)
Lola Badia (Universitat de Barcelona)
Gerardo Boto Varela (Unversitat de Girona)
Mercedes Brea (Universidade de Santiago de Compostela)
Lluis Cabré (Universitat Autonoma de Barcelona)
Miriam Cabré (Universitat de Girona/ILCC)
Inés Calderón Medina (CSIC Madrid)
Laura Fernández Fernández (Universidad Complutense de Madrid)
Anna Ferrari (Università dell’Aquila)
Yara Frateschi Vieira (Universidad Estadual de Campinas, São Paulo)
Saverio Guida (Università di Messina)
Sadurní Martí (Universitat de Girona/ILCC)
Anna Radaelli (“Sapienza” Università di Roma)
Xavier Renedo Puig (Universitat de Girona/ILLC)
António Resende de Oliveira (Universidade de Coimbra)
Leontina Ventura (Universidade de Coimbra)