Appel à contribution – Les marâtres 2. Familles, lieux et patrimoines : Marâtres. Secondes épouses, fils et filles d’avant

Valenciennes, 21-22 novembre 2024

Ce colloque est le second du projet « Marâtres. Secondes épouses, fils et filles d’avant »

LARSH, Université Polytechnique Hauts-de-France

CREHS, Université d’Artois

Le projet « Marâtres » est un projet d’anthropologie sociale transpériodique, de l’Antiquité à nos jours, ouvert aux approches littéraires, sociologiques et juridiques, qui vise à interroger la construction sociale et mentale de la marâtre, figure stigmatisante et stigmatisée de la seconde épouse du père.

La réflexion est née des évolutions récentes de notre société occidentale. La montée des divorces et des séparations, ainsi que les nouveaux types d’union bouleversent les formes de la parentalité et des relations adelphiques en questionnant la primauté des liens du sang. Les recompositions familiales contemporaines qui peuvent en résulter et l’évolution du droit de la famille conduisent ainsi à s’interroger notamment sur la beau-parentalité en général, et sur la figure de la belle-mère en particulier. Si les relations familiales ne sont jamais simples, et encore moins dans le cas des recompositions, il semble que les femmes rencontrent des difficultés particulières dans leurs relations avec les enfants de leur partenaire et qu’il peut en résulter des tensions, parfois intenses et difficiles à résoudre, qui renvoient, ne serait-ce qu’inconsciemment, à la figure honnie et redoutée de la marâtre des contes, ce qui révèle le poids des représentations négatives persistantes. Ces situations, nullement propres à l’époque contemporaine, s’inscrivent dans une histoire longue de la mortalité maternelle, du veuvage et du remariage, des séparations et répudiations, ainsi que des relations parents-enfants. Ces situations familiales sont contraintes par les normes sociales, culturelles, juridiques et religieuses, et contribuent également à les faire évoluer. Elles font l’objet de nombreux travaux en sociologie, en anthropologie de la famille, mais aussi en histoire, qu’il s’agisse d’études de la démographie, des structures de parenté ou du genre, ce qui a conduit à renouveler l’approche de la conjugalité et du célibat, des maternités et paternités.

Pour autant, la seconde – ou subséquente – épouse qui prend place dans un foyer où se trouvent déjà des enfants issus d’une – ou plusieurs – unions précédentes, n’a pour l’instant pas fait l’objet d’une étude approfondie sur un temps long, même si elle a suscité quelques approches ponctuelles. Le projet « Marâtres » vise donc à comprendre l’émergence de cette figure au sein d’un système de parenté et de conditions historiques qui le produisent, et à saisir son rôle social dans le quotidien des familles et ses effets dans les trajectoires des individus. Pour cela, il s’inscrit dans une démarche d’anthropologie historique attentive tant aux représentations qu’aux pratiques sociales, au croisement de l’histoire de la famille et de la parenté, et en mobilisant les outils de l’histoire du genre et du care. Pour saisir la spécificité de la figure de la marâtre, il importe de la mettre en regard avec d’autres formes de parentalité (spirituelle, baptismale), d’autres figures alternatives de maternité (nourrices, éducatrices) davantage associées à des représentations valorisées, et plus généralement à l’entourage féminin du père. Il apparaît aussi nécessaire de comparer le rôle social de ces différentes femmes au sein des familles, qui à bien des égards peut être assimilé à un rôle de care (ensemble de tâches et dispositions émotionnelles et relationnelles assignées aux femmes, perçues comme jouant un rôle central dans l’entretien du lien social), même s’il ne se limite pas forcément à cela, pour explorer les places et les représentations des figures maternelles au sein des familles.

Une première rencontre scientifique, organisée à Arras les 24-25 novembre 2022, a fait dialoguer plus de 20 chercheurs et chercheuses sur l’articulation de l’étude des mots et des représentations associés à la seconde épouse avec celle des formes familiales et du système de parenté dans lesquels elles s’inscrivent. Les cadres spatio-temporels et les approches ont volontairement été d’une grande diversité pour saisir dans quelles configurations, sociales, culturelles et économiques, relationnelles et affectives, la subséquente épouse devient une marâtre et pourquoi.

Le deuxième colloque, concerné par cet appel, entend prolonger la réflexion en se concentrant sur les conditions de vie des « familles à marâtre ». Il privilégiera les trois axes suivants dans lesquels peuvent s’inscrire les propositions de communication :

1) « Familles à marâtre » : quelles recompositions familiales ?

Le premier axe vise à préciser comment s’opère la recomposition familiale à la suite de l’arrivée de la seconde – ou subséquente – épouse du père : celle-ci favorise-t-elle la continuité ou la destruction de l’ancienne famille au profit d’une nouvelle ? Quel est le sort des enfants des précédentes unions ? Quelles relations la nouvelle femme du père, mais aussi ses propres enfants, en particulier ceux nés du même père, entretiennent-ils avec eux ? L’âge de cette femme, son origine sociale, l’âge et le sexe des enfants trouvés chez le mari, voire d’autres critères, ont-ils une influence ? Quels sentiments et émotions naissent ou se trouvent associés à ces situations nouvelles pour les enfants, comme les parents ? Quels enjeux suscitent des conflits ? Sont-ils de même nature avec les filles et les garçons, les aînés et les cadets, les majeurs et les mineurs, selon les milieux sociaux et les carrières envisagées ? Comment se positionnent les autres membres du groupe familial – paternel comme maternel -, voire des réseaux dans lesquels s’insère la famille conjugale ? Quel est le rôle du père dans la création de la marâtre ? L’image négative associée à la marâtre, redoutée par les enfants des unions précédentes du père, ne doit cependant pas occulter les recompositions familiales où chacun parvient à trouver sa place, ce qu’il faut aussi expliquer. Il importe enfin de comparer l’analyse des pratiques avec les normes en vigueur et le discours qui contribue à légitimer ou à discriminer la belle-mère, pour mesurer et expliquer les décalages.

2) « Familles à marâtre » : quels lieux de vie et de mort pour le groupe familial recomposé ?

Le deuxième axe cherche à introduire une dimension spatiale, en s’intéressant aux lieux de vie et de mort. Comment s’organise concrètement la vie quotidienne dans la maison familiale, à la configuration variable selon les époques, les lieux et les milieux sociaux ? La nouvelle épouse occupe-t-elle les mêmes espaces que la précédente ? Son arrivée, ou la naissance de nouveaux enfants qui en résulte, voire d’autres circonstances, conduisent-elles à un changement de maison ou à des réorganisations domestiques, en particulier de la distribution des chambres ? Comment le père se positionne-t-il sur ces questions ? Les pratiques funéraires peuvent aussi être des indicateurs sur le degré d’intégration de cette nouvelle femme dans la famille et les transformations qui peuvent en résulter : où se fait-elle inhumer ? Aux côtés de son mari et des enfants de celui-ci, ce qui l’associe à ceux-ci dans la mémoire que ce lieu perpétue ? Ailleurs, et dans ce cas, pourquoi et avec qui ? Le décès avant ou après celui du mari joue-t-il un rôle ? Et qu’en est-il de la première – ou des précédentes – épouses, ainsi que des enfants nés des différentes unions ? Cette dernière question revient à s’interroger sur la manière dont est entretenue la mémoire de la conjugalité paternelle.

3) « Familles à marâtre » et patrimoine : transferts et conflits

Le troisième axe, enfin, entend se pencher sur le rôle du patrimoine, matériel et immatériel, dans la recomposition familiale, qu’elle soit pacifique ou conflictuelle. Quelles sont les conséquences de l’arrivée d’une nouvelle épouse en termes de gestion du patrimoine, mais aussi de la transmission de l’héritage aux enfants (biens mobiliers et immobiliers, mais aussi symboliques comme le nom) et de la succession (fonctions et pouvoir) ? Si le droit en matière de patrimoine est largement encadré par des règles juridiques, propres à chaque société, il n’en existe pas moins une certaine latitude qui permet d’associer plus ou moins les individus aux décisions et de privilégier certaines personnes d’une manière ou d’une autre. De quelle manière la subséquente épouse intervient-elle dans les choix ?  Quelle position le père adopte-t-il à l’égard des enfants nés de différentes mères ? Comment le couple utilise-t-il le patrimoine conjugal ou propre à chaque époux au profit de la recomposition familiale ? Les conflits liés à l’héritage et à la succession sont-ils plus fréquents dans les familles à marâtre que dans celles où les enfants sont tous nés des mêmes père et mère ? Qu’est-ce qui les distingue lorsqu’ils concernent une famille à marâtre (temporalité, intervention d’autres membres de la famille, du côté maternel ou non) ?

Une publication est prévue pour 2026, qui diffusera les résultats des deux colloques.

Organisation et prise en charge :

Le colloque se tiendra à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, à Valenciennes, Campus des Tertiales (centre ville), les 21 et 22 novembre 2024.

Le transport en France et en Europe sera pris en charge, de même que la nuit du 21 au 22 novembre et les repas (2 midis et 1 soir), voire une nuit supplémentaire si les contraintes de transport l’imposent.

Pour les chercheurs et chercheuses extra-européens, leur participation est possible en distanciel, voire en présentiel s’ils autofinancent leur déplacement.

Le colloque est organisé par le LARSH et CREHS (UR 4027).

Modalités de soumission

Les propositions de communication (environ 3500 signes) doivent, outre un titre, préciser l’approche, la méthodologie et les sources mobilisées et/ou le terrain d’enquête. Elles peuvent s’inscrire dans un ou plusieurs des trois axes proposés.

Elles peuvent se présenter sous la forme d’une réflexion argumentée sur un aspect général ou particulier, d’une étude de cas, de la présentation et de la discussion d’un ouvrage ou encore du commentaire d’un document. Si cela leur semble pertinent, les participant.e.s de la première rencontre sont invités à reprendre le cas qu’ils ont abordé, en mettant l’accent sur les aspects propres à l’appel à communication du second colloque, ceci afin de favoriser une réflexion approfondie sur quelques cas bien documentés ou particulièrement riches.

Elles doivent être accompagnées d’une courte biographie académique de l’auteur, et peuvent être rédigées en français ou en anglais.

Le comité valorisera les travaux de jeunes chercheurs et chercheuses et les recherches inédites, ainsi que l’exploration de nouveaux terrains ou de nouvelles archives, afin d’encourager la discussion sur des recherches en cours. Les communications dureront 20 minutes et un temps important sera laissé à la discussion.

Les propositions sont à envoyer conjointement avant le 15 janvier 2024 à

anne.jusseaume@univ-artois.fr

laurence.leleu@univ-artois.fr  

emmanuelle.santinelli@uphf.fr

Elles seront ensuite examinées par le comité scientifique et une réponse sera données aux participant-e-s fin février 2024.

Comité d’organisation :

Anne Jusseaume (Université d’Artois, CREHS)
Laurence Leleu (Université d’Artois, CREHS)
Emmanuelle Santinelli (Université Polytechnique Hauts-de-France, LARSH)

Comité scientifique :

Sabine Armani (Université Sorbonne Paris Nord, Pléiade UR7338),
Marianne Closson (Université d’Artois, Textes et Cultures UR 4028),
Aurélie Damet (Paris I Panthéon-Sorbonne, ANHIMA UMR 8210),
Vincent Gourdon (CNRS, Centre Roland Mousnier UMR 8596),
Régine Le Jan (Paris I Panthéon-Sorbonne, LAMOP UMR 8589),
Didier Lett (Université de Paris, ICT EA 337),
Nicole Pellegrin (CNRS, IHMC UMR 8066)

A propos RMBLF

Réseau des médiévistes belges de langue française
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