Colloque – Écrit et transferts culturels : pratiques et gouvernance princières (Lotharingie, France, Empire, XIIIe-début XVe sicle

Ouvert dans les années 1970, le chantier sur les pratiques médiévales de l’écrit est désormais bien installé dans l’historiographie internationale (Anheim-Chastang, 2009). Parallèlement, depuis les études de Hans Patze sur le « Geschäftsschriftgut » (c.-à-d. l’écrit administratif sous toutes ses variantes) des princes territoriaux (Patze 1971), il est bien connu que le développement de la pratique de l’écrit a largement contribué à l’essor des principautés territoriales à partir du XIIIe siècle. La multiplication de l’écrit au service du prince concerne toute une série de domaines qui sont autant de marques du développement de l’autorité princière et de la tentative progressive du pouvoir princier d’intégrer les différents éléments de la société médiévale dans les pré-États.
L’essor de la pratique de l’écrit concerne en effet aussi bien tous les aspects du fondement du pouvoir princier (« Machtgrundlagen »), que de sa mise en œuvre (« Herrschaftspraxis »). Il donne ainsi lieu à de nouvelles formes scripturales (à côté des documents diplomatiques, les censiers, les documents comptables, les livres de fiefs, les « records de justice », les lettres d’affranchissement) qui correspondent à autant de développements institutionnels (la chancellerie, les baillis, sénéchaux ou prévôts, les receveurs, la cour des nobles et chevaliers, les échevins et maires seigneuriaux et autres agents princiers).

L’étude de la pratique de l’écrit dans les principautés territoriales a fait de notables progrès suite aux travaux flamands sur les conditions de rédaction des actes princiers (Prevenier 1967 ; Kriusheer, 1979), allemands sur les chancelleries princières (Landesherrliche Kanzleien, 1983) et français sur les cartulaires (Cartulaires, 1991 ; Chastang, 2006). Depuis quelques années, des études régionales sont disponibles et une synthèse sur les pratiques des langues dans les chancelleries fait référence pour l’espace germanophone (Kanzleisprachenforschung, 2012). En zone frontière entre France et Empire, c’est l’étude de la langue des actes diplomatiques qui a été au cœur du renouveau. À l’Université de Trèves, le projet Urkundensprachen im Erzbistum Trier und in seinen deutschen und romanischen Nachbargebieten von 1250 bis 1350 a eu pour objectif l’étude des actes de la pratique et celle du premier usage des langues vernaculaires dans les grandes chancelleries de l’espace de la Grande Région, en particulier celle des archevêques de Trèves, au tournant des XIIIe et XIVe siècles, période charnière caractérisée par l’émergence des actes de la pratique rédigés en langue allemande. L’espace romanophone de la Grande Région a été le cadre d’études linguistiques et philologiques similaires menées par les chercheurs de l’Université de Zurich.

Née pendant les années 1980, la notion de « transfert culturel » a été forgée pour rendre compte des échanges qui affectent les espaces culturels, du passage de certains éléments d’une culture à une autre. Les transferts ainsi analysés dans le sens d’influences et de mutations concernent des concepts, des représentations, des mentalités, des institutions entre autres. L’idée maîtresse était de sonder les motivations et les usages mais aussi les modalités, les vecteurs qui sous-tendent de tels transferts (Espagne – Werner, 1987), afin de proposer une alternative à l’approche, alors dominante, du comparatisme littéraire et historique. Jugeant caduque la tendance à poser l’existence de cultures nationales qui seraient distinctes par essence puis destinées à être dépassées par la construction artificielle d’un niveau méta-national, les tenants de la théorie du transfert culturel montrent au contraire avec insistance qu’un tel transfert implique la mise en relation de deux systèmes autonomes et asymétriques et que son objet est nécessairement transformé afin de répondre aux besoins spécifiques du système d’accueil. Aussi l’étude des transferts culturels s’intéresse-t-elle plus aux interactions entre les sociétés – ou fractions et groupes à l’intérieur d’une société – qu’aux objets de transferts, et s’emploie à rendre compte des conditions qui ont marqué leur déclenchement et leur déroulement, à analyser les phénomènes d’émission, de diffusion, de réception et de réinterprétation qui les constituent. Prenant en considération une conception la plus large possible de la culture, la méthode insiste sur deux analyses : celle des contextes et de la « localisation » d’accueil et de départ d’un transfert et celle de ses vecteurs.

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Programme :

Mercredi 18 octobre : Écrit pragmatique et transferts culturels : pratiques princières et infra-princières

14h : accueil des participants
14h15 : Ouverture du colloque

14h30 : Thomas Brunner (Université de Strasbourg), Étude du petit corpus des actes des baillis comtaux de Douai au XIIIe siècle.
15h00 : Isabelle Bretthauer (CRAHAM, Université de Caen), Mise en place et diffusion d’un formulaire d’enregistrement des contrats passés devant les échevins en France du Nord.
15h30 : Christelle Balouzat-Loubet (Université de Lorraine), La comptabilité du duc de Lorraine Raoul Ier conservée à la BnF (collection Lorraine, vol. 48 f.70 et vol. 3 f.36-39) : modèles et influences.
16h00: pause

16h30: Mark Mersiowsky (Université de Stuttgart), Princes, administrateurs et marchands. Transferts du savoir-faire comptable dans les principautés de l’Empire aux XIVe siècle.
17h00: Discussion

18h Paul Bertrand (Université Catholique de Louvain), Conférence
Dîner libre

Jeudi 19 octobre

9h30 : Dominique Adrian (Université de Lorraine), Où les Augsbourgeois ont-ils appris à écrire ?
10h : Michel Margue (Université de Luxembourg) et David Kirt (Université de Luxembourg), Du comté à la royauté. Pratiques de l’écrit diplomatique chez Henri VII de Luxembourg (1288-1310).
10h30 : Anna Jagosova, Dynastiewechsel: Kontinuität oder Umbruchszeit ? Erste Regierungsjahre Johanns des Blinden in Böhmen im Spiegel seiner Urkunden und Kanzleipraxis.
11h : pause

11h30 : Anne-Katrin Kunde, Beobachtungen zu den Urkunden Johanns des Blinden.
12h : Olivier Canteaut (École nationale des Chartes) : Jean de Luxembourg et sa chancellerie, passeurs de techniques administratives entre France et Empire.
12h30 : Discussion
13h00: Buffet

La chancellerie : un milieu propice aux transferts

14h30 : Marjorie Lemeillat (Université de Bretagne occidentale-Brest), Bureau de chancellerie et réseaux de scripteurs à travers les actes de Jean Ier, duc de Bretagne (1237-1286).
15h : Hérold Pettiau, Timothy Salemme et Jean-Daniel Mougeot (Université du Luxembourg), Enregistrer les actes dans une principauté d’Entre-Deux: les cartulaires du comté de Luxembourg dans une perspective comparative (première moitié du XIVe s.).
16h Jean-François Nieus (Université de Namur) – Aurélie Stuckens (Université de Namur), La pratique du formulaire, de l’administration pontificale à celle des comtes de Flandre : le cas du recueil du chancelier Pierre de Béthune (ca. 1290)
16h30 pause

17h00 Ellen Widder (Université de Tübingen), Cultural transfer or common knowledge? People from abroad and chancery innovation in late medieval southwestern German territories.
17h30 Léonard Dauphant (Université de Lorraine), Une triple frontière diplomatique ? La forme des actes des chancelleries de Lorraine et Barrois (2e moitié du XIVe-première moitié du XVe siècle).
18h : discussion
Dîner

Vendredi 20 octobre : Langues et images

9h15 : Jean-Christophe Blanchard (Université de Lorraine), Images en transfert : les sceaux des ducs de Lorraine Ferry III (1251-1303), Thiébaut II (1303-1312), Ferry IV (1312-1328) et Raoul (1329-1346).
9h45 : Laura Gili-Thébaudeau (Université de Lorraine), Enregistrement et conservation : les notes dorsales des actes lorrains.
10h15 : pause

10h45 : Ghislain Brunel (Archives nationales de France), Les actes ornés français de la fin du Moyen Âge.
11h15 : Isabelle Guyot-Bachy (Université de Lorraine), Expression et réception du pouvoir princier : titulatures et adresses dans les actes lorrains (1251-1347).
11h45: Yann Greub et Francis Carton (Université de Lorraine), Les actes lorrains et luxembourgeois : approche linguistique.
12h15 : Discussion

12h30 : Michel Pauly (Université de Luxembourg), Conclusions

Informations pratiques :

Colloque international organisé dans le cadre du projet ANR-FNR TRANSSCRIPT
Nancy, 18-20 octobre 2017

Source : CRULH

A propos RMBLF

Réseau des médiévistes belges de langue française
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